La gourmandise mène à tout…même à l’astronomie. 1


Ou la petite histoire d’un astronome amateur.

Je vais vous retracer mon histoire d’astronome amateur et vous rapporter ce qui m’a mis le pied à l’étrier de l’astronomie. Commençons mon histoire comme un conte de fée, sauf qu’il n’est pas question ici de fée, mais de sucreries !

Il était une fois un petit garçon (il l’est toujours, petit !) âgé de 8 ans, qui un beau jour de 1966 s’est mis à rêver devant une friandise dans la vitrine de son boulanger. Je ne me rappelle plus si c’est plutôt la friandise ou les images que contenait le sachet de bonbons qui me faisait baver d’envie, en tout cas le déclic était fait.

Ce paquet de sucrerie tant convoité, contenait des images de la conquête de l’espace. Nous sommes donc en 1966 et ces photos me montraient les missions spatiales américaines Mercury et Gemini. Chaque semaine étaient diffusées de nouvelles images, que l’on pouvait réunir dans un cahier collector acheté à part. Il va sans dire que je suis devenu le plus sage des enfants, au grand plaisir de mes parents, car il me fallait négocier la somme nécessaire pour l’achat de ces « icônes ». C’est ainsi, avec mes 5 centimes dans la poche, que j’allais chaque semaine acheter ces images. Le tout dura jusqu’aux missions Apollo, début des années 1970.

Autant dire que je suis devenu incollable sur les missions spatiales américaines. Je connaissais sur le bout des doigts le nom des équipages, la durée des vols, les dates, etc. Ainsi débuta ma passion pour le ciel. J’avais 11 ans quand mes parents m’ont autorisé à suivre l’alunissage d’Eagle en direct à la télé, après avoir veillé toute la nuit avec mes frères et ma sœur. Mon premier réflexe fut de sortir voir la Lune qui était à la veille du premier quartier ce soir-là. Autant dire que le premier pas de l’Homme sur la Lune ne m’a pas laissé indifférent. Je découpais tous les articles à ce sujet dans le quotidien régional et c’est ainsi que j’ai pu obtenir ma première carte lunaire, car les documents de vulgarisation à l’époque n’existaient pas. Par la suite j’ai encore pu me procurer, toujours dans le journal régional, une carte du ciel, certes sommaire, mais qui m’a permis d’apprendre à reconnaître les principales constellations. C’est ainsi, muni de ces précieux documents, que je me suis mis à rêver de l’espace infini. Les missions Apollo prirent fin en 1972, quand Apollo 17 retourna sur Terre le 19 décembre, le jour de mon 14ème anniversaire ; c’est sûr, c’est un signe !

L’année de mes 14 ans, je fis ma profession de foi, et quand ma marraine me demanda ce que je désirai comme cadeau, je lui répondis aussitôt : une paire de jumelles pour admirer le ciel ! Il faut dire qu’à l’époque il n’y avait pas d’instrument astronomique pour amateur dans le commerce, il fallait les construire soi-même, ce qui était réservé à une certaine « élite ». Je pus donc, le jour venu, déballer une merveilleuse paire de jumelles 8×35, qui était dans un bel étui en cuir. J’étais comblé et le soir même je pointais mon instrument vers la Lune où j’ai pu admirer les mers et les cratères ; j’étais bouleversé. C’est décidé, le ciel sera ma passion. Par la suite, muni de mes jumelles, j’observais régulièrement le ciel, mais sans réellement savoir ce que je voyais, car j’avais un manque certain de documentations et à ma connaissance il n’y avait encore aucune association d’astronomie dans la région à l’époque. C’est ainsi que ma passion a été un peu mise entre parenthèses, jusqu’en 1979, où j’ai trouvé un merveilleux livre de R. Migliavacca ; « Le mystère des étoiles », aux éditions De Vecci, qui a réveillé l’astronome (gourmand) qui sommeillait en moi. Par la suite, les éditions Atlas diffusaient hebdomadairement des fascicules sur l’astronomie, fascicules qui à la fin, devenaient une série de livres reliés en 10 volumes intitulés « l’Astronomie ».

Voilà, maintenant j’ai de la documentation sur le sujet, je peux donc m’exercer à la pratique de l’astronomie et me familiariser avec le ciel nocturne.

En 1982, j’abandonne le vice du tabagisme, ce qui est un autre tournant important de ma vie privée et d’astronome amateur, car chaque semaine je mettais dans une cagnotte, l’argent que me coûtait cette perversion. C’est grâce à ma volonté et à ces économies, que j’ai pu m’acheter une nouvelle paire de jumelles, plus puissante celle-ci, des 10×50 fixées sur un trépied photo. Le ciel est devenu de plus en plus à ma portée et cette fois-ci je comprends ce que je vois avec l’aide de ma documentation acquise ; c’était tout simplement merveilleux.

Mais des jumelles c’est bien, mais pas assez. C’est donc en 1985 que je décidai, avec la bénédiction de mon épouse (eh oui, je me suis marié entre temps), d’investir dans un instrument plus conséquent. Mon dévolu, mais surtout mon budget, m’ont orienté vers un télescope 114/900 sur monture équatoriale. C’est donc dans un magasin spécialisé de Colmar que j’ai passé commande de mon nouveau « jouet ». Le jour de la livraison, autant vous dire que mon excitation était à son comble. Le soir même j’installe mon nouveau joujou sur le balcon de l’appartement que nous habitions alors, et je pointais fébrilement Saturne ; c’était tout simplement magique.

En 1987 a eu lieu le RIA (Rassemblement International d’Astronomie) à Guebwiller où je me suis rendu en temps que spectateur. J’ai ainsi pu voir pour la première fois les réalisations des astronomes amateurs de la région ; j’étais subjugué par les télescopes de M. Mosser et émerveillé par les conférences de M. Pierre Bourge. Le monde des astronomes amateurs me plait bien. J’ai eu l’occasion de reprendre contact avec eux quelques temps plus tard, lors d’un week-end de formation technique à Wintzfelden, organisé par la SAHR (Société Astronomique du Haut-Rhin) de Guebwiller, où j’ai pu m’initier à tailler un miroir de télescope sous la houlette de Bernard Brendle, grand spécialiste de l’optique astronomique amateur de la région. Lors de ce stage, j’ai également fait la connaissance des membres du CAW (Club d’Astronomie de Wittelsheim) et notamment de son président fondateur André Philippe. Le choix était vite fait ; Wittelsheim étant beaucoup plus proche de mon domicile que Guebwiller, ce sera donc au CAW que je vais adhérer. J’ai donc décidé un mardi soir d’aller assister à une réunion au local de cette association, situé alors rue Denis Papin à Wittelsheim. La conférence était donnée par Luc Arnold, un jeune membre qui fera encore bien du chemin. Mais ce soir-là fut pour moi un grand moment de solitude ; Luc n’arrêtait pas de recouvrir le tableau noir d’équations mathématiques et physiques qui me donnaient une terrible migraine, moi qui ai toujours fuit les maths. Je me demandais sur quelle planète j’étais tombé !

Mais qu’à cela ne tienne, j’ai une nouvelle fois tenté ma chance à la réunion suivante dont le sujet était beaucoup plus « soft », ce qui m’a incité tout naturellement à faire parti des membres du CAW.

L’astronomie dans un 114mm c’est bien, mais avec un 254mm c’est encore mieux. Je décide donc en 1998 de passer à la vitesse supérieure en cassant ma tirelire. J’opte pour l’achat d’un télescope Schmidt-Cassegrain de 10 pouces équipé du tout nouveau système GO-TO. Je peux dire qu’avec ce nouveau système de pointage automatique, j’ai pu faire le soir même de sa réception autant d’astronomie en visuel au fond de mon jardin (car maintenant nous habitons la campagne), que pendant tout un camp astro au Rossberg. Ce nouveau « cul de bouteille » automatisé, comme l’on baptisé mes collègues, a subi à l’époque bien des railleries de plus d’un puriste, mais a fait de nombreux émules depuis.

Les années passant m’ont permis d’acquérir une petite expérience en astronomie grâce aux membres de l’association qui transmettent volontiers leur savoir, surtout lors des fameux camps astro qui ont lieux chaque année, d’abord au Rossberg dans les Vosges, puis actuellement dans le sud de la France, sous un ciel d’une pureté et d’une météo sans commune mesure avec l’Alsace.

Après toutes ces années, c’est maintenant à mon tour de partager avec les plus jeunes ou les nouveaux membres, mon modeste « savoir » qui m’a été transmis par les anciens du club. Voilà maintenant une trentaine d’années que je me rends dans les écoles élémentaires de la région pour faire des interventions sur l’astronomie à la demande des enseignants.

Cela fait maintenant plus de trente années que je peux m’épanouir au sein de cette merveilleuse association, grâce à ses membres et surtout grâce à ses présidents successifs, André Philippe, président fondateur qui a donné ses lettres de noblesses au CAW, Armand Verduci, qui a repris le flambeau pendant cinq années et naturellement Jean-Luc Garambois qui a insufflé un nouvel élan au club pendant plus de 16 ans. Puis ceux qui m’ont accueilli au début des années 1990, ont décidé de me faire l’insigne honneur de me placer à la tête de l’association en me nommant au poste de président du club. Voilà maintenant depuis 2016 que j’essaye d’être le digne héritier de mes pairs qui m’ont tant apporté et tant appris et de pouvoir apporter ma modeste contribution au fonctionnement du CAW en veillant à sa destinée afin de pouvoir le transmettre aux générations d’astronomes amateurs futures.

J’espère pouvoir passer encore de nombreuses années dans cette association, et je « remercie le ciel » pour ma gourmandise légendaire (bien connue de certains lors des camps astro), de m’avoir fait découvrir le ciel un jour de 1966.

Paul Krafft

L’astronome gourmand

« Le grand Dieu fit les planètes et nous faisons les plats nets »

Gargantua (1542) citation de François Rabelais


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Commentaire sur “La gourmandise mène à tout…même à l’astronomie.

  • Alain Mory

    Bonjour Paul,
    Quel plaisir de lire ta prose. A quelques années d’écart, c’est le même parcours que j’ai vécu !
    Et maintenant, le virus tient toujours ?
    Astramicalement
    Alain Mory