Le Soleil à l’œil nu…


Protection avant tout.

Observer le Soleil « à l’œil nu » est un raccourci pour dire observer le Soleil « sans grossissement instrumental ». Mais bien sûr, l’œil n’est jamais nu !… Il faut impérativement se protéger contre les rayons ultraviolets et l’éblouissement.

Personnellement, j’utilise une paire de lunettes conçue pour l’éclipse de soleil du 11 août 1999, et largement diffusée à l’époque par la Société Astronomique de France. J’en ai encore un petit stock en réserve. Ces lunettes sont fabriquées avec un filtre BAADER PolySolarTM ayant un pouvoir filtrant de 0,0001%. Correctement conservées et manipulées, elles sont pour ainsi dire inusables. Il convient toutefois de les détruire dès lors qu’elles auraient subi la moindre altération : trou, griffure, rayure, décollement de la monture en carton…

Pour des observations moins régulières, disons occasionnelles, on peut aussi utiliser un filtre de soudeur à l’arc, grade 14. C’est moins pratique à utiliser et pas toujours facile à trouver. Dans les magasins de bricolage non spécialisés, la gamme proposée s’arrête souvent au grade 11, ce qui n’est pas  suffisant.

Les « lunettes de soleil » ne conviennent pas du tout, même les très foncées dites « de glaciers » destinées à l’alpinisme de haute-montagne… Ni la superposition de plusieurs paires… Ni tout autre bricolage hasardeux…

Photo Caw/A.Philippe

Pourquoi observer le Soleil à l’œil nu ?

Pour un astronome amateur non averti, il peut paraître dérisoire d’observer régulièrement le Soleil à l’œil nu. Sans être vraiment rares, les GTS (Groupes de Taches Solaires) visibles ne sont pas très fréquents. Pourtant, avec des observateurs entraînés et le regroupement de leurs données, on peut déterminer un cycle solaire undécennal comparable à celui du nombre relatif de Wolf. C’est le cas pour l’étude menée par le GFOES (Groupement Français pour l’Observation et l’Etude du Soleil), depuis 1993. Vous pouvez consulter son site dans son ensemble, et plus particulièrement la page montrant la corrélation entre le nombre A et le nombre relatif de Wolf (A = Auge = œil, en allemand).

 

Comment s’entraîner ?

 Quelques taches évidentes se présentent de temps à autre. Celles-ci se voient au premier coup d’œil, même pour un observateur non initié. Mais si on se contente de ces rares manifestations, la corrélation entre A et Wolf ne pourrait exister. Pour être performant, il faut sérieusement s’entraîner afin de détecter des GTS à la limite de la visibilité. Je me permets donc de décrire ici ma méthode personnelle de formation. Elle a fait ses preuves après plus de 30 années, soit entre 8 et 9 000 observations. Pourquoi pas une méthode qui pourrait faire « école » ? En France, j’étais un pionnier des observations du Soleil à l’œil nu, occasionnelles au début, puis systématiques à partir de juillet 1991. Je les notais O.N. = Œil Nu.

Les premières années, j’observais en premier lieu le Soleil avec ma lunette de 60 mm donnant un grossissement de l’ordre de 40 fois. Lorsqu’il y avait un groupe important de type H ou F, voire E, selon la classification de Waldmeier, je m’efforçais alors à le détecter à l’œil nu. Cette opération est facilitée car la position du GTS est connue, moyennant l’inversion gauche-droite due au renvoi coudé. Pour plus d’informations sur la classification de Waldmeier, vous pouvez consulter l’article que j’ai déjà écrit pour le site du CAW (Club d’Astronomie de Wittelsheim), également publié par Astrosurf-Magazine dans son n° 67. Dans un second temps en cas d’échec, j’utilisais la méthode de la « vision décalée ». C’est dire qu’après avoir forcé ma vue « directe » en me concentrant sur la zone à inspecter, je décale la vision dans une direction voisine. Très souvent une tache apparait. Certaines personnes pensent probablement que cette approche à la lunette avant d’observer à l’œil nu peut fausser les statistiques. Je pense que non, car pour une tache faible, je me suis toujours imposé la discipline de l’observer au moins 3 fois avant de la valider. Maintenant que j’ai acquis une bonne expérience, je suis capable de déceler des taches faibles, même sans le recours au grossissement instrumental. Ceci est un atout indéniable pour les longues « vacances » hors de chez moi, périodes où je n’ai pas de lunette pour m’aider. Troisième étape importante de ma méthode : j’ai aussi remarqué que la vision n’est pas forcément identique dans toutes les directions. Je suppose que c’est propre à la structure de l’humeur vitrée, entre le cristallin et la rétine. Pour pallier à ce défaut, je prospecte systématiquement le Soleil en inclinant la tête dans diverses positions à droite et à gauche. Dans chacune de ces positions j’observe 2 ou 3 fois, en vision directe puis en vision décalée, le diamètre que mon cerveau considère comme horizontal. Pourquoi ? Car l’un de ces diamètres correspond forcément à l’équateur du Soleil, là où la probabilité de grands GTS est la plus importante. L’inclinaison de l’équateur solaire n’est jamais la même. Elle varie dans l’année en fonction de l’angle p entre + et – 27°. Mais aussi, et de façon plus importante, au cours de la journée car un observateur debout est en position azimutale, il y a donc « rotation diurne du champ »… Dans cette ultime étape, je gagne maintenant un peu d’aisance, et donc aussi un peu de temps, car je connais par avance la position approximative de l’équateur solaire au moment de l’observation…

Si vous faites l’effort de vous former ainsi, peut-être deviendrez-vous « œil de lynx » !… Les résultats statistiques n’en seront que meilleurs. Prenez du plaisir à vos observations, et pourquoi ne pas rejoindre le GFOES ?…

Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *