Compte rendu d’un camp d’été d’astronomie


Un camp d’été du CAW

Chaque année, les membres du CAW ont l’occasion s’ils le désirent de participer à un camp d’observation dans les Alpes de Haute-Provence. Nous avons un site situé à 1445 mètres d’altitude. La probabilité de beau temps est bien supérieure à celle de l’Alsace et la pollution lumineuse y est très faible ! Le camp dure une semaine, du samedi au samedi.

A travers cet article, je voudrais essayer de donner une idée de la richesse d’un tel camp ; la richesse en observations astronomiques et en vécu.

En ce qui me concerne, en tant qu’organisateur, la préparation d’un camp commence une année à l’avance : il faut réserver le gîte pour la semaine du mois d’août de l’année suivante, semaine au cours de laquelle il doit y avoir la nouvelle lune. Ensuite, il faut rapidement envoyer un chèque d’arrhes, pour réserver le gîte. Au mois de mai, il faut faire la lettre à tous les membres actifs afin qu’ils puissent s’inscrire au camp. Fin juin, début juillet, il faut envoyer la lettre à tous les participants au camp, expliquant l’accès aux lieux du camp, le matériel à amener et beaucoup d’autres choses. Il faut surtout aussi à ce moment-là ne pas oublier d’envoyer le deuxième chèque pour payer la totalité de la location du gîte.

Début août, il faut veiller à ce que le nombre de voitures soit suffisant afin de réussir à charger tout le matériel, dont notre T600. Il faut prévoir les repas, les listes des courses, les personnes pour les faire. Il y a encore plein de petits détails que je ne mentionne pas ici, mais qui, s’ils n’étaient pas réglés, diminueraient la qualité de notre séjour !

Inutile de dire que quand le camp commence pour certains le samedi soir, pour moi, la moitié du travail concernant ce camp est déjà terminée !

Je peux enfin commencer le camp comme les autres présents et faire de l’astro.

Avant de commencer à détailler le journal de ce séjour 2009 (j’ai choisi cette année, car le camp 2010 ne nous a pas été favorable au niveau de la météo, contrairement aux 4 camps précédents), précisons que nous étions 9 personnes : Luc et Simon, nos deux jeunes de l’animation d’été, Patrick, Martin, Hubert, Francis, Cédric, Olivier et moi-même. Nous avions 6 instruments : le T600, le Dobson de 350, le LX 200 de Martin, le 200 de Hubert, le 150 que Simon s’est fabriqué lui-même, ce qui est assez exceptionnel pour être souligné étant donné son âge et la qualité de l’ouvrage et enfin, sa lunette de 60 mm ! Mais il me semble que personne n’a observé avec ce dernier instrument.

En ce qui concerne les observations astronomiques, voilà plusieurs années que je note systématiquement tous les objets nouveaux que j’ai observés. Donc, dans les lignes qui suivent, ne sont en général relatées que les observations qui ont fait l’objet d’une prise de note dans mes cahiers. Il est en effet totalement impossible de mentionner ici toutes les observations que l’on peut faire en une nuit complète à notre site d’observation ! Mais en tout cas une chose est sûre : au bout de quelques heures, notre rétine a été percutée par des photons qui proviennent d’un peu tous les coins de l’Univers observable et de toutes les distances pour peu que l’on observe des quasars ! Vu comme cela, le camp astro pourrait presque apparaître comme une sorte de pèlerinage, un acte mystique. Etrange religion tout de même ! Quant à moi, je vois plutôt cette semaine comme une semaine d’observations scientifiques. Ainsi, nous essayons d’observer des objets dont on nous parle dans les revues scientifiques tout au long de l’année afin de pouvoir mettre un « visage » dessus. Nous ne recherchons pas forcément des objets esthétiques, mais disons-le comme ça, intellectuellement stimulants.

D’ailleurs, ce travail est déjà possible à l’œil nu. Il ne faut pas négliger ce genre d’observations quand on a la chance d’être sur un bon site. C’est pour cette raison que j’avais posé sur la cheminée de la pièce principale du gîte, une feuille dont voici la reproduction ci-dessous :

Toutes ces étoiles que l’on peut voir à l’œil nu

et qui font rêver

Essayez de les localiser à l’œil nu et pensez alors à ce qui est dit à leur sujet ci-dessous en les regardant !

Deneb ou Rigel : les étoiles parmi les plus lointaines visibles à l’œil nu. Elles brillent 50 000 fois plus que notre soleil. Ce sont les phares de notre galaxie.

Arcturus : cette étoile n’est pas originaire de notre galaxie. Elle ne fait que la traverser perpendiculairement.

β, γ, δ, ε et ζ UMa : ces 5 étoiles de la Grande Ourse font en réalité partie du même amas ouvert, très proche de nous.

Bételgeuse : géante de 15 masses solaires, et bolide qui se déplace dans la galaxie à 30 km/s. Il y a une véritable onde de choc devant elle que les professionnels peuvent photographier.

ε Aur : l’une des plus grosses étoiles connue en diamètre : celui de l’orbite d’Uranus ! Tous les 27 ans, pendant 2 ans, sa luminosité baisse de 1 magnitude. On en ignore la cause exacte, mais cette baisse serait due à l’éclipse de l’étoile par un compagnon ayant un gros disque de poussière en orbite autour de lui. Il n’y a que deux autres étoiles connues de ce type.

Mira : sa magnitude varie de 3 à 9. Son diamètre varie de 465 à 563 millions de km. 110 jours du minimum au maximum et 220 jours du maximum au minimum. Elle traîne derrière elle une queue de gaz perdu de 13 années-lumière !

Algol : l’étalon cosmique dont la luminosité intrinsèque est fonction de la période. Elle a permis de calculer les distances des autres galaxies alors qu’on y observait d’autres Céphéides.

51 Peg : première étoile autour de laquelle on a détecté une exoplanète, à l’OHP en 1995.

Fomalhaut : elle est âgée de 200 millions d’années seulement et distante de 25 a.l. Elle a encore un disque d’accrétion. Une planète de 3 masses joviennes, qui fut l’une des toutes premières exoplanètes a être photographiées, lui tourne autour à 119 u.a.

Sirius : l’étoile la plus brillante du ciel en apparence.

Véga : l’étoile de magnitude 0.

Mizar et Alcor : il s’agit en fait d’un hepta-système !

β de la Lyre : étoile double si serrée qu’une des compagnes arrache à l’autre une masse solaire par an !

Deux records mais pas visibles de chez nous :

Eta Carinae : il s’agit de l’étoile de tous les records. Hyper-géante de 100 masses solaires, 4 millions de fois plus brillante que le Soleil. Son vent stellaire est 10 à 100 fois plus puissant que celui des autres étoiles géantes. Elle éjecte des gaz à 2% de la vitesse de la lumière. Chaque jour, elle perd une masse terrestre ! Elle est située à 7500 a.l. et elle est âgée de 3 millions d’années. Elle mourra très vite.

Etoiles hyper véloces : aujourd’hui, on n’en connaît que 16 dans toute la galaxie. Ce sont des étoiles qui se déplacent à plus de 2 millions de km/h, soit 550 km/s, par rapport au centre de la galaxie. Deux causes probables : accélération due à un passage trop proche du trou noir central de la galaxie d’un système double dont l’une des composantes a été avalée et l’autre éjectée ; accélération due à une supernova trop proche qui aurait donné l’impulsion à l’étoile.

En fait, ces données sur les simples étoiles sont utiles aussi lors des soirées grand public. Elles donnent du piment aux observations et font rêver les gens !

Journal du camp :

Samedi 15 août :

On se dépêche de collimater les instruments pour être opérationnels pour le premier soir.

Nuit du 15 au 16 août :

Comme presque toutes les premières nuits des camps, on a fait des grands classiques pour se « rincer l’œil » au T600. Et bien entendu pour les montrer aux personnes n’ayant encore jamais observé avec le T600. Au programme : M13, M57, M92, et bien d’autres… Les Dentelles du Cygne aussi, qui font toujours un choc aux « nouveaux » avec l’OIII. Puis, on a refait les moins classiques quasars Mrk 205 avec NGC 4319 et le quasar du Dragon qui se trouve à plus de 9 milliards d’années lumières de la Terre. Inutile de rappeler que les photons qui sont rentrés dans notre œil à ce moment-là étaient partis il y a très longtemps… dans notre référentiel temporel à nous. Pour eux, ce voyage d’un bout à l’autre de l’univers observable a été instantané, relativité oblige ! Ce qu’on peut noter aussi, c’est que ce soir-là, nous avons observé Uranus à l’œil nu. Il n’y a pas de doute là-dessus. Comme quoi cela est possible. Si les anciens l’avaient aussi observée, on aurait très certainement des semaines de huit jours. En effet, ce sont les 7 astres « errants » connus des anciens qui auraient donné les jours de la semaine. Personnellement, si on avait un « Urdi » en plus dans la semaine, j’aurais aimé qu’il soit férié ! Mais comme l’a demandé Francis, qu’aurait bien pu créer Dieu dans la Bible durant ce jour supplémentaire ?

Dimanche 16 août :

Beaucoup de personnes se sont mises à préparer leurs observations pour la nuit suivante.

Nuit du 16 au 17 août :

Nous avons regardé Cygnus-X1 au T600. C’est le tout premier trou noir jamais repéré en ondes radio. Mais il se trouve qu’il a une étoile en orbite autour de lui à une distance qui est moins grande que le diamètre de l’étoile elle-même. C’est cette étoile que l’on peut observer en visible. C’est bien entendu aussi la proximité de cette étoile qui rend le trou noir détectable en lui fournissant de la matière à « happer » dans un disque d’accrétion.

On a aussi observé deux comètes cette nuit-là : Christensen, très belle en pleine Voie Lactée, et Kopff, sur laquelle on devinait une queue au T600, contrairement à la précédente.

Enfin, nous avons réussi à observer LA NEBULEUSE PLANETAIRE DANS L’AMAS GLOBULAIRE M15, au T600 avec l’oculaire de 5 mm soit un grossissement de 600 fois ! Un objet après lequel on a couru pendant des années. On l’a enfin vu, mais c’est une observation très difficile aux limites de ce qu’on peut faire avec le 600. Du moins la voir comme une nébuleuse planétaire, parce que si on se contente de vouloir la détecter, un diamètre un peu plus modeste doit suffire. On a pu faire cette observation difficile grâce à Cédric qui avait trouvé une image du champ (voir ci-dessous). Plus d’informations à cette adresse :

http://www.blackskies.org/peasefc.htm

A présent il faudra tenter la planétaire GJJC1 dans M22 !!

Les autres observations de cette nuit ont été des objets plus classiques.

M15 et sa nébuleuse planétaire, en haut dans le cadre.

Lundi 17 août :

On passe la journée à préparer les observations de la nuit suivante, à noter les observations de la veille et à faire de longues siestes pour certains.

Nuit du 17 au 18 août :

On observe M101 dans la Grande Ourse et surtout tous les NGC qu’il y a dedans. Il s’agit de vastes régions HII, où se forment les étoiles. On y a identifié NGC 5471, 5462, 5461, 5455, 5447.

L’observation suivante a été exceptionnelle, unique en son genre : il s’agit d’une galaxie (PGC 187663) au premier plan de laquelle se projette une nébuleuse planétaire (Abell 70) de notre propre galaxie. Le fait que les deux objets se touchent n’est bien entendu qu’un effet de perspective ! Cette observation est difficile et nécessite au moins un T600. Fait curieux : avec le filtre OIII on observe un anneau presque régulier à peine plus brillant dans sa partie Nord (où se trouve la galaxie), alors que sans le filtre OIII on ne voit que la galaxie, l’anneau devenant très difficile à voir. Ce champ nous a été proposé par Cédric, qui a passé des heures avant le camp à préparer des observations compliquées pour le T600.

Puis, on a observé trois nébuleuses planétaires dans l’Aigle : NGC 6781, 6772 et 6804. Cette dernière est censée être double : deux anneaux concentriques. Mais nous n’avons pas vu ce deuxième anneau même au T600 !

Nous avons ensuite pointé NGC 7678 dans Pégase. Notre but était de voir une supernova extragalactique, un peu notre nouveau Graal. Malheureusement, cet objet ponctuel devait avoir trop décliné : impossible au T600 !

UGC 3697 est surnommée « Integral sign galaxy ». Malheureusement, nous n’avons vu qu’un trait droit.

Nous avons terminé par deux champs de galaxies dans les Poissons. Celui de NGC 499, 495, 496, 498, 483, 515, 517, 508, 507, 504, 494, IC 1682, PGC 169770. Et celui de NGC 403, 399, 374, 380, 383, 382, 385, 384, 373, 398, 407, 410, 420, PGC 4140, 4110, 4086. Toutes ces galaxies ont été observées et identifiées par au moins trois personnes. Elles s’étendent sur un peu plus d’un champ à l’oculaire de 26 mm au T600. Ces champs sont des régals pour ceux qui aiment les galaxies !

Abell 70 et PGC 187663

Mardi 18 août :

Luc et Simon ont tout appris sur les magnitudes visuelles, bolométriques, absolues et surfaciques. Les gens ont fait leurs siestes. Et au courant de l’après-midi, une dame vint nous annoncer qu’un parapentiste a été porté disparu depuis le mercredi précédent. Elle nous laissa une feuille avec sa photo.

Nuit du 18 au 19 août :

On a commencé par observer NGC 246 dans la Baleine. C’est une magnifique nébuleuse planétaire étendue avec des étoiles qui se projettent dessus.

On a tenté la supernova dans NGC 4078. On ne l’a pas vue.

On a pointé NGC 981, la nébuleuse Pacman, assez étendue et contrastée.

En ce qui me concerne, j’ai aussi donné des exercices à Luc et Simon en insistant sur la RIGUEUR nécessaire pour pointer un objet à l’ancienne avec la méthode « géométrique ». Si sur la carte l’objet est légèrement à droite du sommet d’un triangle isocèle, ce n’est pas la peine de pointer sur son sommet ou à sa gauche au Telrad !

Nous sommes allés prendre notre casse-croûte à plusieurs. Mais nous fûmes très silencieux, à la limite de l’endormissement lorsque Olivier et Cédric sont eux aussi arrivés dans la salle à manger. C’est alors que nous sommes retournés dans le pré. Lorsqu’Olivier et Cédric y arrivèrent à leur tour, ils n’ont entendu personne parler autour du T600. Les 4 personnes remontées dans le pré venaient d’être victimes de ce qu’on appelle étrangement un phénomène d’endormissement collectif. Encore que Patrick prétend que lui ne dormait pas ! Mais si nous autres, officiants du culte d’Uranie pouvons subir ce terrible effet, nous avons de la chance dans notre malheur. D’autres sectes étranges peuvent paraît-il être victimes de suicides collectifs, comme cela s’est produit lors du passage de la comète Hale Bopp alors que de soi-disant extraterrestres s’étaient cachés derrière dans leur croiseur interstellaire ! Brrr, ça fait froid dans le dos ! Je ne parle pas de la présence d’ET, mais bien du fait que des êtres humains puissent se laisser convaincre par de telles inepties !!

Finalement, tout le monde est allé se coucher. Morphée avait gagné ! Sauf trois irréductibles qui ont encore observé M35 et IC 2157 dans les Gémeaux, deux amas ouverts très proches, large et résolu pour le premier, plus petit et diffus pour le second.

Mercredi 19 août :

Cela restera le jour où nous aurons vu notre plus fort orage depuis que nous fréquentons ce site. Le chemin le long de la fontaine s’est transformé en torrent. C’est aussi le soir où nous avons goûté au plat asiatique mijoté par Cédric. Il avait le même goût et la même saveur que là-bas en moins épicé toutefois. Quant à Luc et Simon, c’est le jour où ils se seront amusés avec l’automate cellulaire du jeu de la vie de John Conway sur le programme si révolutionnaire « Golly ». Cette méthode de programmation est toute nouvelle et j’ai encore du mal à comprendre qu’en deux ou trois minutes de calcul il puisse nous donner la configuration au bout de la 1020ème génération ou plus, qui plus est, sur un réseau infini !

Nuit du 19 au 20 août :

Cette nuit commença par l’observation d’un point lumineux dans la montagne en face. Il s’agissait d’un objet fortement variable sans période : un feu allumé par des êtres humanoïdes. Avec le T600, on distinguait leurs visages. Avec les cartes, le lendemain, on a évalué leur distance à 1,2 kilomètres. S’ils avaient le malheur de tourner leur lampe de poche vers nous, le flash était éblouissant. Puis, nous sommes passés aux choses plus sérieuses.

Le ciel était relativement bon et je venais de collimater le T600. Pour une raison que j’ignore, je suis resté seul avec le T600, pendant près de 2 heures ; peut-être parce que les autres ont cru que ce soir-là, le ciel allait être bouché ! J’ai alors décidé de pointer à l’ancienne, donc sans le Goto, toutes les nébuleuses et amas du Sagittaire de la revue des constellations. Cela m’a pris une heure trente.

J’ai commencé par M8 et M20 à l’OIII. Magnifique ! Puis, j’ai pointé M22, 69, 54, 55, 70, NGC 6522, 6528, 6553, 6624, 6723. Ce sont tous des amas globulaires proches du centre galactique. Cette série d’observations m’a enseigné qu’il y avait beaucoup plus d’amas globulaires autour du bulbe galactique qu’ailleurs. Je venais de découvrir un résultat sur les structures des galaxies par ma seule observation ! Il me reste à confirmer ma nouvelle connaissance par la lecture d’articles sur le sujet… Je serai attentif lors de mes futures lectures. J’ai aussi pointé M25, un amas ouvert et NGC 6642 et 6652 dont je n’ai pas pu dire si c’étaient des amas ouverts ou globulaires.

Les autres observateurs sont enfin arrivés. Cédric a commencé par me faire voir Barnard 142/143 dans l’Aigle. Il s’agit d’une superbe nébuleuse obscure assez étendue ! Nous avons ensuite pointé IC 289 dans Persée. C’est une magnifique nébuleuse planétaire.

Puis nous avons pointé un champ de galaxies du Poisson, différent de celui de l’avant-veille, NGC 7386, 7387, 7385, 7384, 7389, 7383, 7390, UGC 12202 et PGC 95571. Ce champ est très joli !

Nous avons ensuite tenté de voir Arp30 et 330, mais nous avons échoué ce soir-là. C’est le lendemain que nous aurons réussi l’exploit, consulter la suite de l’article pour en voir le compte rendu. L’échec était finalement dû à un mauvais réglage du Goto. Il était 4h30 du matin et nous avons décidé de pointer encore à l’ancienne le champ de galaxies le plus « cauchemardesque » du ciel d’été, en ce sens que si nous décidions d’identifier tous les objets vus, il nous faudrait la nuit entière. Il s’agit de l’amas de galaxies Abell 426 dans Persée. On a mis l’oculaire de 26 mm au T600, et sans bouger le champ, on a pu facilement dénombrer entre 15 et 20 galaxies ! En faisant une observation fine, on monterait à 25 assez aisément, voire 30. Et si on commence à « se promener » à côté… Je n’ai encore jamais osé faire de schéma de cette région. Je n’ose pas non plus mobiliser le T600 pendant les heures qui seraient nécessaires pour ce travail, cela se comprend tout de même !

Jeudi 20 août :

L’événement marquant de la journée a été la panne de courant qui nous a empêchés d’utiliser les ordinateurs pour identifier nos galaxies de la veille. En effet, pour tous les champs de galaxies présentés dans cet article, nous avions une liste d’objets à observer, mais en général, nous en voyions encore plusieurs autres qui n’étaient pas prévus. Il faut identifier tout cela le lendemain à l’aide des logiciels. Avec le T600, on a souvent affaire à de faibles objets UGC ou PGC…

Quant à Luc et Simon, ils ont eu un petit cours sur les différentes particules que peuvent capter les astronomes pour apprendre des choses sur le cosmos : les photons à toutes les longueurs d’ondes (captés avec les radiotélescopes pour les ondes radio, les télescopes pour le visible, les satellites comme Integral pour les X et Fermi pour les γ), les rayons cosmiques (captés par le futur observatoire Auger), les neutrinos (captés sous Terre) et les ondes gravitationnelles (activement recherchées par des manips comme Virgo, Ligo ou dans le futur Lisa). Bien entendu, on a essayé de comprendre sur quels phénomènes et astres spécifiques nous renseignent chacun de ces différents appareils. Nous avons aussi parlé des missions et instruments du futur très exceptionnels comme le fameux LSST, Gaia, Herschel, Planck, Kepler et bien d’autres…

Nuit du 20 au 21 août :

C’est notre dernière nuit complète pour ce camp. En effet, la suivante sera plus courte de 3 heures, car le samedi matin, il faudra se lever à 8 heures pour faire le ménage avant le départ à 10 heures.

Nous avons commencé par le couple NGC 6621 et 6622. C’est une sorte de mini-M51, c’est très joli.

Nous avons alors pointé ρ Ophiuchus, une étoile double très jolie, ainsi que λ Ophiuchus.

Puis, on a braqué le T600 sur un champ de galaxies dans le Dragon, NGC 6512, 6516, 6521, PGC 2639607, 61141, 2641923, 2640591.

On s’est ensuite tournés vers un autre champ du Dragon, NGC 6381, 6390, PGC 3137130, 2597767, 60316, 3137141, 60374, 2596341.

Arriva le tour d’un astre sur lequel nous avions échoué la veille : Arp30. Il s’agit d’une galaxie avec un bras hyper-massif. Cette formation résulte très certainement de la collision de deux galaxies. Le tout est à 450 millions d’années-lumière de la Terre. Nous avons bien vu et identifié le bras massif en question. C’est un objet qui est paraît-il très prisé des ccdéistes.

Arp 30, la galaxie au bras hyper massif.

Nous avons ensuite regardé deux galaxies plus brillantes pour « reposer » notre œil, comme disait Cédric. Il s’agissait de NGC 6503 et 6411.

Tout cela avant de nous attaquer au clou de la nuit et en ce qui me concerne aussi du camp : Arp330 (ou SHK16), un incroyable chapelet de 10 galaxies elliptiques qui s’étendent de part et d’autre de PGC 59050 sur une distance apparente de 10’ d’arc. Cette chaîne est longue de 400 millions d’années-lumière. Les galaxies ont une magnitude de 15 à 18. C’est l’objet à faire par excellence à la caméra CCD. On a donc pointé cet (ces) objet(s) sur lesquels on avait échoué la veille. Et on a vu le chapelet. Pendant un moment après l’observation de cet astre exceptionnel, je n’en revenais pas d’avoir fait une telle observation !!

Arp 330, le chapelet de 10 galaxies (elles apparaissent ponctuelles, à droite de l’étoile brillante).

Nous sommes restés sur les galaxies avec NGC 2403 de la Girafe, une galaxie assez étendue, fort belle. Puis nous avons encore fait un champ de galaxies dans les Poissons, NGC 7612, 7623, 7615, 7608, 7626, 7631, 7619, 7617, 7611 et IC 5309.

Pour moi, le dernier objet de la nuit aura été NGC 274 et 275 dans la Baleine. Il s’agit de deux galaxies en interaction. On en voyait une étendue et peu brillante et l’autre plus petite et très brillante.

Cette nuit aura été la nuit des galaxies. Ce sont les nuits que je préfère, celles qui donnent le vertige. Celles qui donnent l’impression d’être tout petit.

Nous ne sommes descendus au casse-croûte qu’à 4 heures du matin, l’oubliant presque, tant nous étions absorbés par nos recherches. On notera simplement qu’un champ comme celui que nous avons observé dans les Poissons peut très vite nous demander une heure à une heure trente d’observation, le temps que tout le monde voit tous les astres du champ et identifie tous les astres attendus, plus éventuellement quelques autres qu’il faudra identifier le matin suivant grâce au logiciel.

Après ce casse-croûte tardif, certains sont encore remontés dans le pré pour observer M42 dans le levant avec l’OIII. Choc émotionnel garanti au T600. Cet objet est encore plus puissant que les Dentelles du Cygne ! On a l’impression de le voir en relief !

Urdi, euh pardon, vendredi 21 août :

La veille, notre hôte nous a donné une grosse bouteille de Génépi et plus de 1,5 kg de sanglier qu’il a fallu consommer ce jour, le lendemain étant le jour du retour en Alsace. En échange, nous lui avons donné une bouteille de blanc d’Alsace, cuvée « de la météorite d’Ensisheim ». Le sanglier était succulent et à chaque bouchée, nous pensions, nous disions : « Oh mon Dieu, mais où donc est Paul ? Mais où donc est Paul… ? ».

C’est aussi le soir où nous avons offert le traditionnel apéritif aux habitants du village, venus à pas moins de neuf personnes, un record ! C’est là que nous avons appris qu’ils devaient se priver de leur partie de boules le soir sous les lumières des lampadaires EDF que nous coupons durant toute la durée du camp !

Nuit du 21 au 22 août :

Nous entamons notre dernière nuit, la plus courte, en pointant Arp329. C’est aussi une chaîne de galaxies comprenant UGC 6514 et qui est répertoriée dans le catalogue de Paul Hickson sous la référence H55. Elle a une taille apparente de 1,5’ d’arc. C’est une chaîne réelle, à l’exception d’une des 5 galaxies qui est beaucoup plus éloignée que les autres (1,5 milliards d’a.l. au lieu de 400 millions d’a.l. pour les 4 galaxies physiquement liées) et qui se projette dessus par hasard. Les galaxies sont séparées entre elles par 80 000 années-lumière. Elles sont toutes elliptiques ou lenticulaires : ce sont de très grosses galaxies. C’est là aussi une image merveilleuse à capter avec une caméra CCD.

Nous avons ensuite pointé NGC 6572, qui est une superbe nébuleuse planétaire bleue dans Ophiuchus avec une étoile centrale brillante.

Nous avons alors décidé de pointer une nouvelle fois la très connue NGC 7009 (nébuleuse Saturne). Nous avons alors vu son anneau comme jamais. Nous venions de comprendre que l’état du ciel était exceptionnel pour cette dernière nuit !

Ce fut au tour de NGC 7395, une petite galaxie ronde du Lézard, un peu faiblarde.

Ensuite, nous avons observé NGC 7426. Comme très souvent, notre gros T600 nous a alors permis de voir une autre galaxie non prévue dans le champ. Après recherche avec les logiciels, il s’avéra qu’il s’agissait de PGC 70061.

Il commençait alors à se faire tard et je jugeai que le Quintet de Stephan serait l’objet idéal pour moi pour terminer ce camp astro 2009. Nous l’avons lui aussi vu comme jamais. On a réussi sans aucun problème à voir les 5 galaxies au T600, donc à dédoubler celle du centre ! Peut-être qu’à force de PGC, UGC et autres Arp nous avions réussi à aiguiser notre vision.

Arp 329, le chapelet de 5 galaxies.

Il était alors 1h00 du matin, c’est-à-dire très tôt par rapport aux autres soirs, mais les personnes qui devaient rouler le lendemain ont toutes jugé qu’il valait mieux aller se coucher afin de ne pas mettre leur vie en danger, ni celles de leurs passagers. Quelques-uns de ces passagers ont encore un peu prolongé cette nuit.

Ils ont notamment braqué la « Croix d’Einstein ». La recherche a pris un peu de temps car elle a dû se faire à la main, et la fleur d’étoiles permettant de se repérer faisait plus d’un champ, ce qui l’a rendue difficile à localiser. Cela fait ils ont vu sans souci la galaxie à l’avant-plan, et quasiment réussi à discerner les quasars, étant donné la qualité du ciel. Bigre, qu’ai-je raté là en allant me coucher ! Mais comme on le dit toujours, elle sera encore là l’année prochaine… et les suivantes aussi !

Samedi 22 août :

Lever pour tous à 8 heures et grand ménage. Il s’agit de rendre le gîte dans un état de propreté irréprochable. Il en va de la réputation du CAW. Et on voudrait bien retourner là-bas l’an prochain. On a démarré le voyage à 11 heures du matin avec, comme chaque année, un sentiment d’amertume après avoir fait une photo de groupe près des voitures. Mais on a tout de suite été replongés sur Terre, dans notre civilisation et surtout dans les bouchons !

Bilan du camp :

J’espère que cet article sous forme de journal aura convaincu le lecteur qu’au niveau des observations, nos camps d’astronomie sont très riches.

Une autre chose reste sûre : le T600 est vraiment un instrument d’exception qui permet de faire une toute autre astronomie par rapport aux autres instruments plus modestes. D’ailleurs, c’est très simple. Il permet d’observer (600/350)3 ≈ 5 fois plus de galaxies que le T350, car il donne accès à un univers observable d’un volume 5 fois plus grand ! Et nous sommes très loin d’avoir fait le tour des astres observables au T600 ! Et malgré la possibilité d’utiliser le Goto, nous pointions en moyenne 2 heures par nuit à l’ancienne au Telrad. Le plaisir d’observer ainsi reste intact malgré ce qu’en pensent certains inconditionnels du Goto ! On avait le temps, car sur 7 nuits, on a eu 7 belles nuits, dont 2 parfois « laiteuses ».

Ensuite, en ce qui concerne les connaissances et les savoir faire, tout le monde a encore progressé en astronomie pendant cette semaine de travail : dans les méthodes de collimation, dans la reconnaissance des objets, dans leur pointage… Mention spéciale pour Luc et Simon. Simon commence à savoir pointer des astres relativement difficiles avec son 150, grâce à une certaine rigueur qu’il est capable de tenir. Quant à Luc, un peu plus jeune, il semble avoir compris une chose essentielle. En astronomie, on ne peut réussir des observations que quand on est près à accepter l’échec dans un premier temps, puis à recommencer encore et encore, en apprenant de ses erreurs et en recommençant, sans paniquer, sans s’énerver. C’est ça faire de la science ! C’est ainsi qu’il a cherché et fini par trouver NGC 891, tout seul pendant plusieurs heures et pendant deux nuits. Encore félicitations à tous les deux pour leurs progrès, leur rigueur et leur persévérance.

On a aussi profité de ce camp pour essayer de faire avancer le projet de site Internet sur les suites aliquotes. Olivier s’y est mis. On a fait des tests de calcul de suites aliquotes avec un logiciel de mathématiques en tentant de paralléliser les calculs sur plusieurs cœurs et d’autres choses… Le site existe aujourd’hui et peut être consulté à l’adresse www.aliquotes.com ! Plusieurs personnes du CAW ont finalement participé à la conception du site, à sa mise en ligne etc… Ainsi, on ne fait pas que de l’astronomie au camp. Les activités scientifiques sont diverses et variées. Les discussions sont très riches et tout le monde est très sympathique. C’est une semaine où l’on vit ensemble, entre personnes ayant des goûts similaires, où l’on peut parler de sujets impossibles à aborder avec des personnes ordinairement. C’est tout ça le camp, c’est tout ça un club scientifique, c’est tout ça le CAW.


A propos de Jean-Luc GARAMBOIS

Formation en physique. Passionné par tous les sujets d'astronomie et plus particulièrement par le ciel profond : les quasars et les galaxies. Passionné en parallèle par les mathématiques et en particulier par les suites aliquotes. Passionné aussi par l'intelligence artificielle. A toujours du temps pour discuter de l'un ou l'autre de ces sujets.

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