Le séisme de Bâle du 18 octobre 1356 3


Da verfiele Basel überall

Das Basler Erdbeben von 1356.

 

Le séisme qui a anéanti la ville de

Bâle et sa région le 18 octobre 1356.

 

 

Introduction.

Le séisme qui a anéanti la ville de Bâle en Suisse et sa région le 18 octobre 1356, compte pour les séismologues et les scientifiques, pour l’un des plus forts tremblements de terre, recensés au nord des Alpes à travers les temps historiques.

En 2013 cette catastrophe remonte très loin dans le temps, 657 années pour être exact. Se remémorer un tel événement dans le temps est problématique du fait que les témoignages oraux se soient perdus avec les années, et qu’il n’y ait eu que très peu d’écrits.

Paradoxalement le séisme de Bâle, contrairement à ce qu’on a toujours prétendu, a fait peu de victimes au vu de l’intensité des secousses. Un tel séisme aurait dû faire, en temps normal, beaucoup plus de morts. C’est grâce au comportement solidaire des survivants et de la population épargnée des environs, qu’une fois le choc passé, les habitants ont reconstruit très rapidement et courageusement la ville.

La question qui se pose est : que s’est-il passé la nuit du 18 au 19 octobre 1356 et les jours suivants ?

L’histoire est aujourd’hui, et non s’en faut, basée sur bons nombres de théories et tant que les faits ne sont pas avérés, la porte est ouverte aux hypothèses les plus farfelues.

Les premières commémorations de la catastrophe ont vu le jour au 19ème siècle, où l’on a assisté à un élan patriotique sans égal pour le 500ème anniversaire du séisme en 1856. C’est également cette année qu’ont vu le jour bons nombres d’écrits relatant le cataclysme. En 1956, différents travaux sur la thématique du tremblement de terre de Bâle ont été publiés, et c’est par son enseignement dans les écoles primaires bâloises, que l’on peut dire que le séisme de 1356 est ancré dans la mémoire des habitants de la ville, même si sa date et ses circonstances ne leur sont pas toujours familières.

Ce n’est que récemment que la population locale a pris conscience que leur ville et leur région sont situées sur un point sismique majeur du globe terrestre. En effet, suite au séisme qui a engendré un tsunami en Indonésie le 26 décembre 2004, 648 ans après le séisme de Bâle, les médias suisses ont mis le doigt sur le fait qu’un tel événement pourrait à nouveau se reproduire dans la région, engendrant cette fois-ci des dégâts et des conséquences bien plus catastrophiques.

C’est pourquoi il a été nécessaire de faire de nouvelles études sur les causes et les effets d’une telle catastrophe.

 

Situation scientifique.

Avec de nouveaux travaux historiques sur le séisme, on ne peut guère en apprendre plus au niveau scientifique, même si les aspects individuels sur le degré de destruction des Burgs et villages des environs sont encore peu développés.

Je fais une petite parenthèse : quand je parlerai de « Burg », il sera question de petits châteaux ou places fortes et non de « bourg » (petit village), alors que quand il sera question de château, il est sous-entendu des forteresses appartenant à des Comtés.

 

Le séisme bâlois n’est jamais sorti de la mémoire des historiens. Pour preuve, les chroniques à travers le temps, écrites surtout au 16ème siècle par des chroniqueurs suisses tels que : Werner Schodoler, Petermann Etterlin, Johannes Stumpf et Aegidius Tschudi. Une description détaillée a également été publiée dans la chronique bâloise par Christian Wurstisen en 1580. Le cataclysme est également décrit en détail dans la « Cosmographie » de Sébastien Münster, sorte d’encyclopédie qui rassemblait tout le savoir de l’époque.

Ce n’est qu’au 18ème siècle que Peter Ochs, dans sa « Basler Geschichte », a analysé en détail le tremblement de terre, grâce aux archives et aux chroniques rassemblées à travers les siècles, et qu’il a prises sérieusement en compte.

Malgré tout, on peut regretter que tous les travaux historiques sur le tremblement de terre, n’aient pas été traités dans leur globalité. Soit les dommages causés à la ville de Bâle étaient mis en avant sans tenir compte des dégâts causés à la région, ou bien les chroniqueurs ne faisaient mention que des Burgs environnants détruits par le séisme, ou encore l’étude des conséquences ne portait que sur les dégâts et ne considérait les victimes et leur courage pour la reconstruction que de façon superficielle.

Ce n’est qu’au 20ème siècle que l’on commença à se pencher sur les données archéologiques du séisme. Certes en 1895, Karl Stehlin a essayé de déterminer les dommages causés par le séisme à la cathédrale de Bâle, mais ce n’est que de 1937 à 1940 que les premières fouilles ont été entreprises sur les sites des Burgs de Madeln et Bischofstein, deux Burgs qui ont été rayés de la carte en 1356. Les rapports de fouilles n’ont été publiés qu’en 1980 et 1988 !

Il est légitime de constater que l’on a trop focalisé sur les dégâts occasionnés par le séisme, tout en laissant de côté le fait que bons nombres d’édifices à Bâle n’ont subi que très peu, voire aucun dégât, comme il est assuré que tous les Burgs environnants n’ont pas été rayés de la carte comme le prétendent certains.

Il n’a pas été assez rappelé que les maisons et dépendances des villages environnants, (excepté les églises et les habitations de notables en pierre), n’ont subi quasiment aucun dégât ! En effet, il s’agissait majoritairement de maisons à colombages pour la ville et de maisons en bois pour la campagne. Ces conditions très importantes ont permis un rapide retour à la normale.

 

Qu’est-ce qu’un séisme ?

Au Moyen-Age, la population, se fiait sur l’enseignement religieux, qui représentait une Terre plate entourée d’océans.

On n’avait aucune idée de l’origine des tremblements de terre. Des explications religieuses et mystiques décrivaient leurs origines célestes et accréditaient une punition divine, ce qui peut prêter à sourire de nos jours, mais qui hélas est encore d’actualité chez certains.

Un séisme est tout simplement un ébranlement du sol, dû à des mouvements géologiques de la croûte terrestre, appelée Lithosphère.

Le séisme de Bâle est justement dû à la tectonique des plaques. Son hypocentre a été estimé de 1 à 15 km de profondeur.

 

Aujourd’hui, l’intensité d’un séisme est mesurée par deux échelles qui fournissent des données différentes mais des résultats similaires.

L’échelle de Richter, nommée ainsi grâce au sismologue américain Charles Francis Richter, donne la valeur de l’énergie libérée dans l’hypocentre du séisme et est mesurée en magnitude. Les valeurs sont notées en chiffres arabes, et l’échelle est théoriquement ouverte, même si un séisme supérieur à une magnitude de 10 est scientifiquement difficile à représenter (le séisme le plus violent à ce jour est de magnitude 9,5 enregistré au Chili en 1960). Cette intensité est relevée par des sismomètres.

 

  • L’échelle dite EMS-98 (European Macroseismic Scale 1998), quant à elle mesure les répercussions sur les êtres vivants, les objets, et les édifices. Les valeurs sont notées en chiffres romains, qui décrivent l’intensité et les conséquences sur l’environnement.

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En comparaison on peut dire qu’un séisme de magnitude 5 sur l’échelle de Richter correspond environ à une magnitude VII sur l’échelle EMS-98.

 

La sismologie du séisme de 1356.

Que le tremblement de terre qui a secoué la ville de Bâle en 1356 était le plus violent au nord des Alpes à travers l’histoire, ne fait plus aucun doute.

Pour cela, il serait intéressant de savoir quelle magnitude peut lui être attribuée.

Fondamentalement, il y a deux possibilités d’obtenir une réponse scientifique à cette question.

 

  • La première consiste en l’analyse des chroniques et écrits, ainsi qu’à la description des dégâts causés. Mais il faut prendre en compte que l’étendue des dommages subis par la ville de Bâle, n’est pas due uniquement aux secousses sismiques, mais en grande majorité aux violents incendies qui se sont déclenchés lors du tremblement de terre.

En plus de cela il faut partir du principe que l’épicentre du séisme n’était pas à Bâle même, mais plus au Sud, dans la région du plateau de Gempen et à l’Est de la chaîne du Blauen.

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Puis il y a le facteur d’incertitude. S’agit-il d’une destruction complète d’un bâtiment ou simplement d’une partie de celui-ci ? Ceci a une grande importance pour l’estimation de l’intensité. Si la destruction est totale, on aura une magnitude IX sur l’échelle EMS-98, mais si elle n’est que partielle, elle passe à une magnitude de VIII.

 

  • Une deuxième méthode consiste à estimer l’intensité du séisme par la recherche de traces géologiques telles que ébranlements, plissements, et de tout changement violent du relief. Ces recherches sont récentes, mais ont conduit à des résultats très prometteurs. Il a ainsi été prouvé, par la méthode radiocarbone, que les éboulements au pied du Juraflühen ont été causés par un violent tremblement de terre. De tels éboulements sont également visibles à la Schartenflue, au Bärenfelser Burgfelsen, à la Schauenburgerflue ou à l’Eggflue au Blauen.

 

Cette dernière méthode permet une estimation de l’intensité et de la magnitude, bien plus proche de la réalité que la 1ère méthode, et malgré des données scientifiques insuffisantes, les sismologues se risquent à estimer le séisme de 1356 à une magnitude se situant entre 6,2 et 6,7 sur l’échelle de Richter, et son intensité en son épicentre à IX sur l’échelle EMS-98.

 

Ces méthodes ont permis d’élaborer une carte d’intensité de la région de Bâle.

Pour cela, on a tracé des courbes isoséistes pour chaque valeur d’intensité.

  • Pour la première courbe d’intensité IX à VIII (beaucoup de mal à se tenir debout, nombreuses destructions de bâtiments), on obtient un ovale de 100 sur 70 km.

  • Pour la seconde zone d’intensité VII à VI (déplacement de meubles, nombreux dégâts sur les édifices), on obtient un ovale de 380 à 190 km.

  • Alors que pour la dernière zone, d’intensité V à IV (quelques objets tombent, légers dégâts, fissures) on obtient un périmètre de 500 à 600 km.

 

Pour les scientifiques, il ne fait plus aucun doute que  le séisme du 18 octobre 1356 peut être appelé « le séisme du millénaire ».

 

Séisme et construction.

Un séisme, aussi violent soit-il, n’exerce aucun dommage sur les êtres vivants, à part un effet de panique et de terreur. Sauf si bien entendu les dits êtres vivants sont victimes de la chute d’objets ou de bâtiments.

Les secousses qui se répercutent à la surface de la Terre, par contre, causent,  elles, des ravages en rapport avec l’intensité du tremblement de terre.

Pour le séisme de 1356, ce sont surtout les répercussions des secousses sur les constructions qui nous intéressent.

Aujourd’hui les experts sont unanimes : une construction antisismique absolue et garantie à 100% n’existe pas.

Au Moyen-Age le souci de la construction antisismique n’était pas d’actualité. Les préoccupations des bâtisseurs bâlois se focalisaient surtout sur les fondations des édifices ; en effet ceux-ci auraient risqué de s’effondrer par une certaine surcharge des étages, de même qu’une nappe phréatique peu profonde aurait pu en abimer les soubassements par capillarité.

Les effets destructeurs d’un séisme sur un bâtiment, sont dus aux oscillations provoquées par les secousses et transmises à l’édifice. Chaque construction est à même de supporter des charges et est donc relativement insensible aux mouvements verticaux du sol. Des mouvements horizontaux par contre, comme lors d’un tremblement de terre, peuvent engendrer de graves dégâts aux bâtiments, même si ceux-ci sont construits solidement. Comme chaque construction a sa propre masse, les secousses agissent sur la base de l’édifice. Plus le bâtiment est haut, plus l’amplitude des oscillations sera grande, au point de causer de grands dégâts, voire même l’effondrement du bâtiment.

Plus une construction est réalisée en matériaux ductiles ou élastiques, plus sa résistance aux séismes sera grande. Par matériaux ductiles ou élastiques on entend aujourd’hui en priorité le béton armé.

Depuis le 13ème siècle, les constructions de la région bâloise étaient des maisons à colombages. Ce type de construction est depuis longtemps réputé résistant aux secousses, ce qui en faisait des constructions antisismiques avant l’heure.

Mais en 1356 la situation de Bâle était paradoxale. Comme nous venons de la voir, les maisons à colombages étaient relativement résistantes aux secousses, mais elles étaient construites en matériaux inflammables, et surtout recouvertes pour la grande majorité de bardeaux (tuiles en bois), ou de chaume, ce qui a été la cause de la propagation d’un gigantesque incendie, qui fut à l’origine des principaux dégâts infligés à la ville.

C’est grâce à ces constructions à colombages que l’on peut encore voir des maisons antérieures au séisme de 1356 à Bâle, comme la maison « Zum Breisach » am Heuberg de 1272, la maison « Zum schwarzen Ochsen » an der Schützenmattenstrasse de 1258, la maison « Sigristenhaus » an der Petersgasse de 1287, ou encore la maison « Zum Tröttlin » am Heuberg de 1280.

 

Les séismes du Rhin supérieur à travers les siècles.

La nouvelle du chroniqueur alsacien Jacob Twinger Von Königshofen datée vers 1400, relate de façon relativement catastrophiste, un séisme qui s’était produit en 1289. Bien que cette description date de plus d’un siècle après le tremblement de terre, on en trouve la confirmation dans les annales de la ville de Colmar de l’an 1300, description certes moins catastrophiste que celle de Twinger, mais confirmant bien qu’en une seule journée, on a ressenti cinq violentes secousses. Ce séisme confirmé historiquement, ne fut pas unique.

Ces mêmes annales de Colmar, citent également un séisme en 1279, décrivant la destruction d’un grand nombre d’églises et de villages de la région. Etant donné que les écrits ne mentionnent aucune indication de lieu, on en déduit que ce séisme a été localisé uniquement sur la région colmarienne.

Aussi incontestables que soient les tremblements de terre de 1279 et 1289, il existe des écrits dans les chroniques moyenâgeuses alsaciennes sur des séismes du fossé rhénan, qui s’avèrent faux. Très souvent il s’agit d’erreurs, de confusions, voire d’inventions.

Ainsi le séisme de l’an 1020, relaté seulement au 16ème siècle, et qui aurait eu lieu en Alsace, s’est produit en réalité en Bavière et n’a été ressenti que légèrement dans la région. De même le séisme de l’an 1021, n’est autre qu’une erreur de copie de la date du tremblement de terre précédent.

Ou bien encore, la destruction du Burg de Villach, à côté de Kärnten en Bavière, a été attribuée à tort au séisme de Bâle de 1356, alors qu’en réalité elle est due à un séisme qui a eu lieu en 1348. Cette erreur de date est simplement due au chroniqueur zurichois Ratsherrn Eberhart Mülner, qui dans sa chronique de 1360/1370, a marqué le Burg de Villach sur la liste des Burgs détruits lors du séisme de Bâle.

Ces exemples montrent bien la limite des témoignages historiographiques, et doivent nous rendre prudents sur l’interprétation des séismes du Rhin supérieur. En effet toutes les secousses, même ressenties légèrement et dues à des tremblements de terre parfois très éloignés, sont souvent relatés dans les chroniques locales.

Malgré toutes ces réserves, il faut être conscient que le fossé rhénan, entre Bâle et Karlsruhe, avec les régions attenantes des Vosges, de la Forêt Noire et du Jura, est et sera toujours sujet à des mouvements tectoniques qui engendreront des séismes de plus ou moins forte intensité.

Des fouilles récentes sur le site romain d’Augusta Raurica près de Bâle, pourraient indiquer qu’en l’an 250 ap.JC, un séisme aurait endommagé la cité romaine. Mais ceci est sujet à controverses chez les scientifiques. Un autre séisme signalé à Bâle en l’an 856, par plusieurs auteurs, aurait son épicentre à Corinthe en Grèce et a été légèrement ressenti au niveau du Rhin supérieur.

Compte tenu, comme nous l’avons vu plus haut, que les habitations étaient majoritairement en bois, à part les édifices religieux et les maisons des notables, ces séismes n’engendraient quasiment aucun dégât.

Après le tremblement de terre de Bâle de 1356, les témoignages écrits s’intensifièrent, à tel point qu’on peut se poser la question s’il y a vraiment eu une recrudescence de séismes entre le 14ème et le 16ème siècle.

En 1357, les strasbourgeois ont été effrayés par des secousses. En 1372, on a ressenti à Bâle des secousses si violentes, que la statue du dragon de la Porte Saint-Georges de la cathédrale est tombée de son socle.

En 1416, la ville de Bâle a été ébranlée par des secousses si violentes, que les habitants paniqués, fuirent la ville pour se réfugier dans les champs et les jardins environnants. On peut encore citer des séismes en 1428, 1444, 1470, 1492, et 1498.

Depuis, des secousses ont été régulièrement citées, jusqu’à la pose d’un sismographe à l’observatoire de Bâle en 1933, sur lequel il est dorénavant possible de distinguer la plus petite des secousses.

 

Bâle au milieu du XIVème siècle.

 

La campagne.

Il est aujourd’hui difficile de se représenter l’aspect qu’avaient la ville et la campagne bâloise au milieu du 14ème siècle.

La limite de la ville s’arrêtait aux remparts, délimités par les portes de la ville, telles que Spalentor, St-Johannes-Tor, St-Alban-Tor.

Au-delà des remparts, les villages environnants, comme Huningue, Hegenheim, Allschwil, Binningen, Münchenstein, Muttenz, Grenzach, Riehen et Kleinhüningen, étaient distants de deux à six kilomètres. Cette situation a très peu changé jusqu’au 19ème siècle. Au XXème siècle, avec l’essor de la ville de Bâle, ces mêmes villages sont devenus la banlieue actuelle de la cité. Au Moyen Age, le paysage fluvial bâlois était bien différent de celui que l’on connait aujourd’hui. Le cours naturel du Rhin et de ses affluents n’était pas encore canalisé par la main de l’homme et s’écoulait sous formes de méandres à travers les prairies environnantes, et gonflait lors de pluies abondantes, faisant apparaître des marécages et de petits lacs, auxquels se réfèrent encore aujourd’hui des noms de rues ou de ruelles.

Les cours d’eau, surtout le Rhin, étaient utilisés comme voies navigables. Les bateliers utilisaient des barques à fonds plats qui leur permettaient de naviguer en eau peu profonde. Avant tout le Rhin servait à transporter du bois de construction, venant du Jura et de la Forêt Noire.

Les cours d’eau étaient très poissonneux, ce qui servait à l’alimentation de base des bâlois. Les eaux étaient dans l’ensemble relativement propres, malgré les rejets des activités humaines et les matières fécales charriées par les eaux usées de la ville. Après des pluies abondantes, des crues importantes faisaient sortir les cours d’eau de leur lit, causant de grandes inondations, pour preuve les marques de crues à l’Hôtel de Ville de Bâle qui rappellent ces phénomènes.

Au 14ème siècle, Bâle était entourée d’une forêt dense, riche en gibier tels que, cerfs, biches, sangliers, renards, blaireaux, et également des loups et des ours, permettant une chasse, naturellement réservée à la noblesse et au clergé.

La culture et l’élevage avaient aussi une grande importance. On y cultivait des céréales, des fruits, des légumes et des vignes, et dans les prairies marécageuses on faisait paître le bétail.

 

Les routes et les chemins étaient en mauvais état, et en beaucoup d’endroits, il y avait des points de péage, souvent stratégiques, où le voyageur n’avait pas d’autre alternative de détours, comme les passages de cours d’eau, car au 14ème siècle, les ponts étaient très rares et il fallait donc le plus souvent utiliser un service de bac pour traverser le fleuve et les rivières.

Le plus ancien pont de Bâle, la Mittlere Rhein Brücke, datant de 1225 fut jusqu’au 19ème siècle le seul pont enjambant le Rhin entre Bâle et Karlsruhe.

A tout cela il faut ajouter l’insécurité qui régnait sur les routes et les chemins regorgeant de brigands et de détrousseurs de tout genre, souvent de mèche avec les tenanciers des auberges qui bordaient les routes.

 

Les villages étaient petits et ne comptaient que très rarement plus d’une centaine d’habitants. Avec leur simplicité ils se fondaient parfaitement dans le paysage. Ils étaient entourés d’une palissade en bois qui les protégeait des animaux nuisibles, et éventuellement des voleurs, mais en aucun cas des expéditions militaires qui étaient fréquentes en ces temps de trouble dus à la guerre de cent ans.

Les environs de Bâle n’étaient pas riches en couvents et abbayes. Il y a bien quelques abbayes du Haut Moyen Age, appartenant à de grandes familles de la noblesse, tels que Feldbach dans le Sundgau des Comtes de Ferrette, Beinwil de la Maison Saugern/Pfeffingen, ou bien Schönthal à Langenbruck une fondation des Comtes de Frohburg ; de plus grande importance, les abbayes cisterciennes de Lucelle et celle d’Olsberg près d’Arisdorf. Toutes ces abbayes et leurs activités avaient une très grande influence sur la structure du paysage.

 

La ville.

Pour les frontières administratives de la ville de Bâle, ce ne sont pas les remparts qui font office de délimitation, mais les limites du ban de la ville, ce qui représente à peu de chose près, la limite actuelle du canton de Bâle Ville, sans les villes de Riehen, Bettingen et Kleinhüningen. Cette limite était marquée par des bornes dans lesquelles était incrustée une croix, et qui servaient de limite à ne pas franchir pour les bannis de la ville sous peine de sanctions.

Pour la délimitation religieuse, le Rhin faisait office de frontière, partageant la ville en deux quartiers distincts, Grossbasel (le Grand Bâle) sur la rive gauche du fleuve, et Kleinbasel (le Petit Bâle) sur la rive droite.

Grossbasel, centre religieux, bourgeois et administratif de la ville, appartenait au diocèse de Bâle, lui-même rattaché à l’Archidiocèse de Besançon.

Kleinbasel, où résidaient essentiellement les gens du peuple, appartenait à l’évêché de Constance, rattaché à l’Archidiocèse de Mainz.

Kleinbasel porta les armoiries de l’évêché de Constance, une crosse d’évêque blanche, orientée à gauche, sur fond rouge, jusqu’à son rachat par le Grossbasel en 1392 pour une somme de 29 800 Gulden, après quoi, elle dut adopter les armoiries de la ville de Bâle, une crosse d’évêque noire, orientée à gauche, sur fond blanc, armoirie actuelle de la ville.

Ces deux quartiers n’avaient qu’une seule autorité religieuse, en la personne de l’évêque, Johann Senn II von Münsingen.

Les appellations de Gross- et Kleinbasel sont encore utilisées de nos jours.

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L’accès de la ville n’était possible que par une porte ou par voie fluviale. Les murailles du Grossbasel étaient flanquées, en 1350, de quatre grandes tours carrées munies de pont-levis enjambant des douves.

Le centre sacré de la ville était la majestueuse cathédrale épiscopale qui dominait sur la colline du Münsterhügel, entourée des habitations des autorités religieuses de l’évêché.

Au 13ème siècle, la ville de Bâle était un éternel chantier. Comme le prouvent les recherches archéologiques, les habitations n’arrêtaient pas de s’agrandir par des rajouts successifs, les rapprochant ainsi dangereusement.

L’intérieur des maisons était très spartiate. Il se composait en général d’une pièce de séjour, d’une pièce pour le couchage de toute la famille, et d’une partie qui faisait office de cuisine, qui la plupart du temps, n’était qu’un foyer à même la terre battue. L’étage, quand il y en avait un, était réservé au stockage du bois de chauffage et des récoltes, pour qu’ils restent au sec. Ces habitations ressemblaient plus à des huttes qu’à des maisons.

Les rues et les places de la ville, n’étaient pas encore pavées, et se changeaient, par temps de pluie ou lors des fontes de neige, en une gadoue indescriptible, mélangée avec toutes sortes de détritus, rejetés dans les caniveaux. Seules les maisons bourgeoises étaient équipées d’un semblant de toilettes, placées dans un encorbellement de la maison et s’ouvrant directement sur les rues par une fente étroite. Pour nettoyer tout cela, si ce n’était pas la pluie qui s’en chargeait, c’était un groupe de marginaux, nommés « Friheiten », qui se chargeaient de la sale besogne. On peut très bien s’imaginer les odeurs pestilentielles, surtout par grande chaleur.

L’eau potable était puisée dans des puits publics, car il n’y avait pas encore d’eau courante dans les maisons, même pas dans les demeures bourgeoises.

Sur les places publiques, avaient lieu les marchés, où les habitants pouvaient trouver les aliments de base, alors que la place de la cathédrale servait aux joutes et tournois chevaleresques de tous genres.

 

La grande peste de 1349.

Avec ces conditions sanitaires exécrables, il n’est pas étonnant que la peste ait sévi dans la ville. La première grande épidémie a frappé Bâle en 1349. Mais comme partout en Europe, il fallait trouver un bouc émissaire pour cette punition divine. Les responsables de ce fléau ont vite été désignés en la personne des juifs. Accusés d’avoir empoisonné les puits, ils furent victimes d’un pogrom, et Bâle n’échappa pas à la règle. La ville comptait, depuis l’an 1200, une communauté juive très bien intégrée dans le tissu social. Mais beaucoup d’emprunteurs voyaient là l’occasion de se débarrasser à bon compte de leurs créanciers, et c’est ainsi qu’a commencé dans la région, une traque anti-juive impitoyable. C’est ainsi qu’ont été mis sur le bûcher plusieurs dizaines de juifs de la communauté bâloise, qui en comptait environ entre 100 et 150 en 1348.

Estimer le nombre exact de victimes de l’épidémie de peste, est quasiment impossible, du fait qu’on n’ait aucune donnée fiable.

Une chronique du début du 15ème siècle prétend que l’épidémie aurait fait 14 000 victimes, ce qui est totalement impossible, du fait que Bâle ne comptait que 7 000 habitants à cette date. De même étant donné qu’on ne retrouve aucune indication dans les registres paroissiaux sur un taux de mortalité important, et qu’il ne fait état d’aucune fosse commune aux alentours de la ville, le chiffre de 2 000 à 3 000 victimes avancé semble également exagéré. Malgré ces incertitudes, les scientifiques préfèrent avancer un chiffre entre 500 et 700 victimes, chiffre bien plus crédible, mais qui représente tout de même 10% de la population de la ville.

Précisons que cette peste a tué près du tiers de la population à l’échelle européenne. Relativement à tout le continent, on peut donc dire que Bâle a moins souffert de cette peste que les autres villes.

 

La destruction de la ville.

Que s’est-il passé le 18 octobre 1356 ?

La gravure de la chronique bâloise de Christian Wurstisen, imprimée en 1580, représente la ville de Bâle s’effondrant tel un château de cartes, donnant l’impression que tous les édifices tombent d’un seul bloc en une même direction, ne laissant qu’un immense tas de ruines !

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D’autres représentations catastrophistes du tremblement de terre, ont été publiées, comme dans la version française de la Cosmographie de Sébastian Münster en 1556. D’où venaient ces représentations catastrophistes du séisme de Bâle est encore une inconnue. Il est toutefois certain aujourd’hui, que le cataclysme a eu de toutes autres répercussions.

Les écrits du 14ème au 16ème siècle, nous permettent de relater en détail le déroulement du séisme, mais pour ce qui est des dégâts engendrés, il y a bien trop d’incohérences et de contradictions pour en prendre acte.

Ainsi un document du Vicaire général du diocèse de Constance daté du 26 novembre 1356, fait appel à la générosité des fidèles, pour des dons, destinés à la reconstruction de la cathédrale de Bâle, qui aurait été entièrement détruite. Au vu de l’état actuel de l’édifice et des traces laissées par le séisme, elle n’a pas été détruite mais seulement endommagée. Des recherches récente  ont permis de trouver des traces cohérentes de destructions ou de dommages causés à des couvents, des églises ou des bâtiments profanes, tel que l’Hôtel de Ville et le Palais de Justice.

Traces du séismes sur la façade de la Cathédrale de Bâle

Traces du séismes sur la façade de la Cathédrale de Bâle

Des écrits ont aussi attesté une recrudescence d’activité dans la reconstruction ou la restauration, dans le 3ème quart du 14ème siècle, nous permettant de faire le lien avec le séisme.

Malgré toutes les recherches archéologiques récentes, il est impossible de retrouver des traces flagrantes d’une destruction totale de la ville.

De nos jours, pour savoir à quel degré et quels bâtiments ont été endommagés lors du cataclysme, il faut analyser en détail les cicatrices encore visibles actuellement sur les bâtiments antérieurs au 18 octobre 1356.

 

Secousses incendies et inondations.

Bâle n’était pas épargnée par les incendies et les inondations. En 1354 un terrible brasier a détruit Kleinbasel. En 1340 la Mittlerebrücke, seul pont enjambant le Rhin, a été gravement endommagé par une brusque montée des eaux du fleuve. En 1339, la crue soudaine d’un affluent du Rhin, le Birsig, a fait s’effondrer une tour des remparts de la ville, ce qui conduisit à une terrible inondation, endommageant l’église du Steinkloster, et dévastant le cimetière des « Barfüsser », allant jusqu’à déterrer les cadavres qui furent charriés à travers la ville jusque dans le Rhin !

Marques des crues de 1529 et 1530 sur l'Hôtel de Ville de Bâle

Marques des crues de 1529 et 1530 sur l’Hôtel de Ville de Bâle

Les séismes n’étaient pas inconnus des Bâlois. En 1289 et 1348 on a ressenti des secousses en Alsace et dans le Rhin supérieur.

Il fallait donc toujours se préparer aux déclenchements de tels fléaux, comme les incendies ou les inondations dues à des pluies violentes, mais sûrement pas à ce qui allait se passer cette nuit tragique du 18 au 19 octobre 1356.

 

Imaginez.

À la fin de l’après-midi du jour de la Saint Luc, les Bâlois vaquaient tranquillement à leurs occupations.

Dans les maisons brûlait le feu dans l’âtre pour préparer le souper. Sans doute n’avait-on pas encore éteint tous les foyers chez les forgerons, et sur tous les autels des églises de la ville, brûlaient sûrement encore, comme chaque jour, des cierges.

Pour se représenter la suite tragique des événements, il faut s’imaginer les innombrables feux, non protégés, que comptait la ville, jusque dans les plus petites des habitations.

Ceci a son importance pour la suite de notre histoire.

Ce qui suit, provient de sources écrites fiables et d’analyses archéologiques qui nous permettent de décrire le déroulement du phénomène dans les moindres détails.

A l’heure des vêpres, c’est-à-dire environ 18h00, la ville est ébranlée par plusieurs secousses si violentes que les habitants, effrayés, sortent de leurs habitations.

Les secousses se poursuivent toute la nuit, dont une, particulièrement violente qui provoqua l’effondrement des cheminées et des ornements des maisons bourgeoises. Les clochers se mettent à osciller jusqu’à s’écrouler pour certains. Les secousses deviennent si violentes que l’on entend les cloches sonner en pleine nuit. La partie supérieure des façades, une grande partie des remparts, des églises et de la cathédrale, sont soit endommagés ou entièrement détruits.

La nuit a été marquée par plus d’une dizaine de répliques d’intensités différentes, qui achèvent le travail de destruction.

Mais avant tout, le séisme a déclenché un terrible incendie, qui rendit illusoire toute tentative de sauvetage de la ville.

Bâle fut davantage dévastée, par l’incendie qui fit rage, que par le séisme lui-même. Ceci est confirmé dans les écrits de la ville, qui ont par chance, été sauvés des flammes.

Etant donné l’impossibilité d’éteindre ce gigantesque brasier, le feu ravagea encore la ville pendant plusieurs jours, jusqu’à ce que les flammes ne trouvent plus de quoi s’alimenter.

Les répliques du séisme se font encore ressentir pendant une année, surtout au soir du 14 mai 1357, où une violente secousse ébranla la ville de Strasbourg, causant des dégâts aux habitations.

En plus du séisme du 18 octobre 1356, une autre catastrophe est rapportée par le moine chroniqueur Konrad von Waldighofen. Il décrivit, que les décombres de bon nombre d’édifices, tombés dans l’affluent du Rhin, (le Birsig), ont formé, en amont de la ville, un barrage faisant une retenue d’eau gonflée par un violent orage qui eut lieu sur la région de Leymen. Quand ce barrage céda sous la pression, il inonda une partie de la cité, détruisant surtout les réserves de céréales récemment engrangées dans les sous-sols de la ville.

 Erdbeben Basel Jauslin

La fuite des habitants.

Les témoignages sont unanimes. Les gens fuyaient la ville dès les premières secousses. Ils s’organisaient en se réfugiant sous les arbres et dans les cabanes des jardins, sur le Petersplatz, où l’on pouvait accéder à la ville par la porte du Spalentor. Quelques téméraires tentèrent de retourner en ville pour s’enquérir des victimes ou essayer de sauver quelques biens. Mais ils durent très vite abandonner leur quête, face à l’enfer des flammes qui ravageaient la cité. On rapporte même que le frère du Maire de Bâle, Konrad Bärenfels, trouva la mort durant l’une de ces expéditions. Il aurait été tué par la chute d’un bloc de pierre d’une maison, lors d’une des nombreuses répliques du séisme.

Les habitants se sont très vite organisés. Ils purent compter sur la solidarité des habitants des villages voisins qui ont été relativement épargnés pour certains, et qui leur fournissaient des vivres dès le 20 octobre.

Une fois le choc passé, il n’était pas question de rester dans les habitats de fortunes aux portes de la ville, car il était impensable de passer l’hiver dans ces huttes exemptes de tout confort et de chauffage. Ceci déclencha une vague de reconstruction rapide de la ville, même si au début, beaucoup était fait d’improvisations ou de solutions provisoires.

 

Les dégâts dans la région de Bâle.

Une cartographie permet de mieux situer l’épicentre du séisme et sa portée. On peut tracer une ellipse d’une longueur Est–Ouest de 85 km, et d’une largeur Nord-Sud de 45 km. Bâle se situe au nord de l’épicentre, mais encore dans la courbe isoséiste d’intensité IX à VIII sur l’échelle EMS-98.

On peut étendre ce périmètre, sur un rayon de 200 km autour de Bâle, comme à Dijon et Beaune, en Moselle et dans la région de Berne et de Zürich où des dégâts ont également été recensés.

Les 60 Burgs des environs ont beaucoup souffert du tremblement de terre. Seule une petite quinzaine a survécu au séisme, les autres étant, soit entièrement détruits, ou plus reconstruits à cause de dégâts trop importants.

Malheureusement les chroniques bâloises font défaut de deux faits.

Premièrement, elles passent sous silence le nom des Burgs qui ont été reconstruits, et deuxièmement elles occultent l’étendue des dégâts occasionnés aux différents Burgs environnants.

C’est l’archéologie qui nous vient en aide pour déterminer ces faits. Comme nous l’avons vu, les Burgs ont souffert à divers stades. Certains ayant été entièrement détruits, d’autres endommagés à différents niveaux, ou encore d’autres qui n’ont eu aucun dégât.

Il subsiste encore des vestiges de ces Burgs qui n’ont pas été reconstruits, comme ceux de Hertenberg, de Wartenberg, ou de Kienberg.

Vestiges de l'Alt-Landskron

Vestiges de l’Alt-Landskron

Les ruines du Burg d’Altkirch dans le Sundgau, quant à elles, ont été entièrement démantelées, et ses pierres ont servi à la construction d’une église au 19ème siècle.

On a même un témoignage, qu’au Burg de Bärenfels à Aesch, le rocher sur lequel il se dressait, se fissura verticalement et s’effondra en gros blocs de pierres, entrainant dans sa chute tout le mur sud-ouest de l’édifice. Ces cicatrices sont encore visibles de nos jours.

De ces 60 Burgs de la région bâloise, les ruines montrent que beaucoup d’entre eux ont dû être endommagés, et faute de réparations, sont tombés en ruines, des fois bien des années plus tard.

Qui ne connait pas le château de Landskron près de Leymen ? Imposante forteresse datant du 16ème et 17ème siècle, mais ce que l’on connait peut-être moins, c’est l’Alt-Landskron datant de 1297, dont il ne subsiste que très peu de ruines datant de 1356, et qui n’a jamais été reconstruit.

Château du Landskron - Leymen Haut-Rhin

Château du Landskron – Leymen Haut-Rhin

Par contre dans les chroniques locales, il n’est fait mention d’aucun château tel que Ferrette, Rötteln ou Stein zu Rheinfelden, qui ont sûrement eu des dégâts, mais étant donné leur situation de Comté, n’ont pas été recensés dans l’inventaire des Burgs sinistrés.

 

Les fouilles archéologiques.

Les résultats et les trouvailles des différentes campagnes archéologiques menées depuis le 19ème siècle, ont mis à jour quelques objets, permettant d’accréditer les destructions de divers Burgs.

Dans les ruines du Burg de l’Alt-Schauenburg, on a retrouvé bon nombre de tessons de céramique datant de l’époque du séisme. Les investigations au Burg Waldek près de Leymen, détruit en 1356, ont mis à jour bon nombre d’objets très intéressants. Dans les ruines de la forteresse de l’Alt-Homberg, les fouilles de 1882/84, ont révélé des objets exceptionnels, comme des épées, des éperons, des plats et des pots en étain ainsi que d’autres objets métalliques divers. Ce genre d’objet comptant parmi les découvertes rares, prouvent bien que les lieux ont dû être abandonnés en toute urgence. Mais les trouvailles les plus spectaculaires ont été faites dans le Burg de Madeln, en 1939/40, près de Pratteln. On y a découvert des objets très rares qui ont donné une réputation internationale au Burg, tels que des entraves de mains et de pieds pour les prisonniers, deux crochets pour arbalètes, des broches, plusieurs étriers et mors, un heaume de chevalier, et surtout un merveilleux plat en étain, gravé d’un aigle volant et des armoiries des seigneurs du lieu.

La plupart de ces trouvailles  sont visibles au musée Historique, qui se situe au Barfüsserplatz à Bâle.

 

Villages et villes.

Il n’est nulle part fait mention de la destruction des villages environnants. Bien au contraire. Comme nous l’avions déjà vu, les constructions rurales étant en très grande majorité en bois ou à colombages, il n’y eut quasi aucune démolition à déplorer.

Cette situation a permis un retour rapide à la normale. En octobre, les récoltes étaient déjà engrangées ; grâce à un élan de solidarité sans précédent de la part des paysans des environs, les bâlois, sans ressources, ont ainsi trouvé de quoi se nourrir.

Bon nombre de petites villes de la région, comme Altkirch, Delsberg, ou Hasenburg, ont été endommagées voire détruites. On peut particulièrement citer la ville de Landser en Alsace, ville florissante, qui après le cataclysme, n’apparaitra plus dans les écrits, que sous l’appellation de village. Ce qui laisse imaginer le taux de destruction de la cité.

Il est à déplorer l’absence de témoignages sur les dégâts subis par des villes comme Mulhouse, Rheinfelden, et Säckingen. La seule chose que l’on peut remarquer, est que dans les archives de Mulhouse, il est mentionné une forte activité de construction après 1356, ce qui laisse penser que la ville devait être relativement endommagée suite au séisme.

 

Le bilan du séisme.

Même si les résultats archéologiques et un examen détaillé des sources écrites, nous prouvent aujourd’hui que la ville de Bâle et sa région  n’ont pas été rasées, et qu’en fin de compte il n’y a pas eu autant de victimes que l’on voudrait bien le croire, il faut tout de même en déduire que le séisme du 18 octobre 1356, était un terrible cataclysme qui a bouleversé toute la région.

Que le séisme fut ressenti avec effroi à Strasbourg ou à Berne, ne fait aucun doute, mais ce qui s’est passé cette nuit-là, dépasse tout entendement.

A partir de 1356, le tremblement de terre de Bâle fera référence dans toute l’Europe et au-delà. Il sera cité à chaque secousse de la Terre, même jusqu’en Orient !

Nous avons vu que c’est le monde rural qui s’en est tiré le mieux, les plus touchés étant les habitants de la ville de Bâle, mais pas seulement. Ceux qui ont le plus perdu, c’est sans aucun doute possible les nobles, les bourgeois et le clergé, qui ont pour la plupart perdu tous leurs biens, châteaux, Burgs, maisons, églises et couvents.

Il était donc très urgent de mettre en place une instance gouvernante, pour diriger la reconstruction de la ville et des biens détruits, mais surtout retrouver une autorité digne de ce nom, pour éviter toute tentative de déstabilisation du pouvoir seigneurial et épiscopal.

 

Le bilan humain.

Après une catastrophe, on s’empresse toujours de faire un bilan humain. Quand on voit de nos jours dans les médias, le nombre de victimes d’un séisme d’une telle intensité, on pourrait penser que le tremblement de terre de 1356 a du tuer des centaines de personnes, voire plus. En réalité il est très difficile, voire impossible de faire un décompte exact du nombre de victimes du séisme de Bâle.

Les chroniques locales sont imprécises et surtout contradictoires. Plusieurs chroniqueurs, ne citent même aucune victime, alors que d’autres parlent de plusieurs centaines et même de plus de 2000 pour certains. Des chiffres beaucoup plus plausibles et plus sérieux apparaissent vers 1400 dans les écrits historiographiques, où l’on parle de 300 victimes.

La seule trace écrite et nominative de victimes du séisme émane de  trois personnes dont on connait l’identité: le bourgeois Johann Christiani, le religieux Peter Münch von Münchsberg et le frère du Maire de la ville, un certain Herr Bärenfels. Mais grâce aux registres paroissiaux, on a pu approfondir les recherches. On a ainsi remarqué que les jours suivant le séisme, il a été noté, dans les registres de la cathédrale et de diverses églises, une recrudescence de mortalité pour le jour de la Saint Luc.

Après recoupement de ces registres paroissiaux, les historiens penchent pour le chiffre d’une centaine de victimes, ce qui est sans doute plus proche de la réalité, étant donné que les habitants, alertés par des secousses préliminaires, ont fui la ville, avant que la secousse principale n’ébranle toute la cité.

 

Un rapide retour à la normale.

Le 19 octobre, lendemain du séisme, l’évêque de Bâle entra en ville. Sans doute venait-il du Burg de Delsberg ou Saint-Ursanne, pour réconforter les gens et prier pour apaiser la colère divine qui s’est abattue sur la ville.

Les autorités, entre autre le Maire, les représentants des diverses corporations et le conseil de la ville, ont urgemment donné des directives pour ramener de l’ordre dans ce chaos.

La date choisie par les autorités pour annoncer la fin du désastre, le 15 août 1357, n’est pas insignifiante. C’était le jour de la fête patronale de la ville, Marie, sainte patronne de la cathédrale de Bâle. En remerciement pour avoir survécu au pire, la ville organisa des tournois de chevaliers sur la place de la cathédrale.

Entre le 18 octobre 1356 et le 15 août 1357, date officielle du retour à la normale, il ne s’est écoulé que huit mois ! On ne peut s’imaginer ce qui s’est passé pendant ces mois, car on ne dispose d’aucun écrit et les fouilles archéologiques sur cette courte période n’ont pas révélé grand-chose.

Comme dit, l’activité principale des autorités de la ville, était le maintien de l’ordre. De nombreux voleurs ont été arrêtés durant cette période, et il n’était pas rare qu’il fallut recourir à la force pour faire respecter la loi.

Sur les premières pages du registre de la ville, « Das Rote Buch von Basel » (le livre rouge de Bâle) datant d’après le séisme, il est fait mention d’un grand nombre de peines et d’amendes, pour des fauteurs de troubles ou des bagarreurs. Parmi ces délinquants, on trouve essentiellement des ouvriers, des proxénètes et des prostituées.

En tout cas, pendant ces huit mois, il a fallu que les Bâlois aient vraiment trimé pour rétablir la ville et évacuer les décombres du tremblement de terre et de l’incendie de la ville, qui ont simplement été charriés dans le Rhin.

Des témoignages écrits nous rapportent, qu’au mois de juin 1357, la ville était à nouveau facilement accessible, et beaucoup de maisons à nouveau plus ou moins habitables. Le tribunal épiscopal, près de la cathédrale, siège à nouveau depuis novembre 1356, et des actes de ventes datant de février 1357, prouvent la reprise d’une activité économique.

La reconstruction de la cathédrale, partiellement endommagée, a débuté tout de suite après le séisme. Le chantier était gigantesque, et on en a profité pour agrandir l’édifice. Ce chantier dura jusqu’à l’an 1500, où la cathédrale a trouvé son aspect actuel.

Avec le retour des gens dans la ville, la reconstruction a commencé. Bâle comptait environ 1 000 habitations avant le séisme. En partant du principe qu’environ 25% de ces bâtiments ont été peu ou pas endommagés par les secousses ou par l’incendie, il reste quand même 750 logis à restaurer. Comment les Bâlois ont financé la reconstruction de leurs biens ne nous est pas connu. On peut s’imaginer qu’ils aient emprunté à des créanciers juifs, de retour dans la région, ou par la vente de terres, ou après avoir puisé dans leurs dernières économies.

Les aides extérieures affluent de toute part. Les villes de Strasbourg, Freiburg en Brisgau, Colmar, Sélestat, Mulhouse, Neuenburg et Rheinfelden, sont venus en aide aux Bâlois pour déblayer la ville, et le Duc d’Autriche a envoyé 400 paysans de la Forêt Noire pour leur prêter main forte.

Il est incontestable que cette catastrophe a changé le paysage, tant social qu’économique de la cité et de sa région, mais après une rapide remise sur pieds de la ville, Bâle n’en avait pas fini de souffrir, et dut se préparer à d’autres fléaux, notamment à cause des répercussions de la guerre de cent ans, voyant ainsi les « Raubritter » stationner devant la ville en 1364/65, qui pendant les trêves, écumaient la région, dévastant tout sur leur passage, surtout l’Alsace.

Mais ceci est une autre histoire.

 

Conclusion.

Si on veut tirer la quintessence des événements du 18 octobre 1356, qui se sont produits à Bâle, elle se rapporte surtout au courage et à l’énergie de la population et de ses instances gouvernantes, et aussi aux conditions préalables à une prompte reconstruction et un rapide retour à la normale.

Sûrement les prémices de l’efficacité Suisse !

 

Bibliographie.

Pour écrire cet article, je me suis inspiré d’un ouvrage (en allemand), intitulé :

« Da verfiele Basel überall » paru aux éditions Schwabe en 2006.

Livre écrit par le Professeur Werner Meyer spécialiste en archéologie médiévale et qui a enseigné l’histoire médiévale à l’Université de Bâle de 1989 à 2004.

 


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3 commentaires sur “Le séisme de Bâle du 18 octobre 1356

  • un internaute attentif

    Bonjour,
    Dommage, votre article paraissait intéressant mais il comporte trop d’erreurs , de confusions importantes. Définition et description de l’intensité, confusion des méthodes, confusion des échelles pour la partie que je maitrise. Ce qui ne m’encourage malheureusement pas à vous lire pour le reste.

    exemple : « l’intensité d’un séisme est mesurée par deux échelles qui fournissent des données différentes mais des résultats similaires.
    L’échelle de Richter, et l’EMS-98  »
    Non l’intensité c’est la sévérité de la secousse au sol, la magnitude c’est l’énergie du séisme dissipée en sont foyer et calculée sur une échelle logarithmique ouverte.
    Ces deux échelles sont différentes. C’est comme si vous disiez pour une ampoule que les watts sont équivalents à des lumens.

    autre exemple :
    S’agit-il d’une destruction complète d’un bâtiment ou simplement d’une partie de celui-ci ? Ceci a une grande importance pour l’estimation de l’intensité. Si la destruction est totale, on aura une magnitude IX sur l’échelle EMS-98, mais si elle n’est que partielle, elle passe à une magnitude de VIII.

    Non, pas du tout. Relisez l’EMS-98. Que faites vous de la vulnérabilité des bâtiments et de l’approche statistique des effets observés ?

    « Une deuxième méthode consiste à estimer l’intensité du séisme par la recherche de traces géologiques telles que ébranlements, plissements, et de tout changement violent du relief.  »
    Magnitude oui, intensité je ne pense pas.

    « Plus le bâtiment est haut, plus l’amplitude des oscillations sera grande, au point de causer de grands dégâts, voire même l’effondrement du bâtiment.  »
    Tout dépend de la distance à l’épicentre du bâtiment, de la présence ou non de basses fréquences. De plus les bâtiments élevés sont aujourd’hui dimensionnés au vent ce qui les rends plus résistants aux oscillations sismiques.

    « …(le séisme le plus violent à ce jour est de magnitude 9,5 enregistré au Chili en 1960). Cette intensité est relevée par des sismomètres. »
    Non il s’agit d’une magnitude et non d’une intensité.

    « En comparaison on peut dire qu’un séisme de magnitude 5 sur l’échelle de Richter correspond environ à une magnitude VII sur l’échelle EMS-98. »
    Non, ce n’est pas aussi directe que cela, vous oubliez la vulnérabilité. Comparez une intensité VII au japon et en équateur. Les effets ne sont absolument pas les mêmes.
    De plus vous parlez d’une « magnitude VII » au lieu d’une « intensité VII » sur l’échelle EMS-98.

    Bon courage.

    • Paul KRAFFT Auteur de l’article

      Cher internaute attentif,
      J’ai lu avec grand intérêt vos critiques sur l’article « Le séisme de Bâle du 18 octobre 1356 ».
      Pour commencer, je voudrai vous dire que j’ai écrit cet article suite à un exposé fait au sein de mon association. Cet article a été tiré d’un ouvrage en allemand qui s’intitule « Da verfiele Basel überall ».
      Ce livre, que j’ai trouvé passionnant, j’ai voulu en faire la synthèse en le résumant et en le partageant dans cet article publié sur le site du Club d’Astronomie de Wittelsheim.
      Je ne suis nullement un spécialiste des séismes, mais tout simplement passionné par l’histoire médiévale, ô combien passionnante de la ville suisse de Bâle et de toute sa région, ce qui fait que cet article n’a nullement un but scientifique mais plutôt historique, en relatant le déroulement de ce terrible séisme et de ses répercutions qui a frappé notre région au moyen-âge.
      Comme vous avez écrit sous couvert de l’anonymat et d’après ce que j’ai pu lire dans votre critique, j’en ai déduit que vous devez être un scientifique (sismologue, géologue, ou au moins d’un niveau égal), étant donné que vous prétendez que c’est « une partie que vous maîtrisez », ce dont je ne doute pas un seul instant.
      Certes, on pourra toujours trouver et me reprocher quelques petites erreurs de traduction par rapport au livre, mais mes connaissances en allemand me permettent d’affirmer que dans l’ensemble le texte est fidèle à l’original.
      Vous n’avez pas été encouragé à lire le reste de l’article et c’est bien dommage ; à la fin, vous auriez trouvé la référence bibliographique de l’ouvrage qui m’a servi de référence pour rédiger cet article, ainsi que l’identité de son auteur, le Professeur Werner Meyer, spécialiste en archéologie médiévale, qui a enseigné l’histoire médiévale à l’Université de Bâle (Suisse) de 1989 à 2004, et qui je pense, accepterai avec grand intérêt vos remarques.
      Comme mon article n’a pas pu satisfaire votre curiosité, je ne peux que vous encourager à lire ce passionnant ouvrage cité plus haut, si toute fois vous maîtrisez la langue de Goethe. Vous y trouverez dans le chapitre 1, à partir de la page 23, tout ce qui concerne l’intensité ou l’échelle EMS-98, qui apparemment est votre domaine de prédilection.
      Notez que le chapitre sismologique et géologique a été écrit avec le concours du Docteur Hans Peter Laubscher, géologue suisse de renom international.
      Comme je vous l’ai déjà mentionné plus haut, n’étant qu’un humble passionné, je me suis donc inspiré de cet ouvrage, contenant des sources historiques et scientifiques crédibles, et je resterai donc fidèle à mes écrits.
      Je vous remercie pour votre sagacité et votre compréhension.
      Cordialement

      L’auteur de l’article
      Paul KRAFFT